Pont du rouge





Pont du rouge.


Ce pont qui enjambe la Drobie permettait aux habitants de Sablières et Dompnac de communiquer avec les communes du sud, et particulièrement celle de Saint Genest de Beauzon, lieu d’importantes foires. Les habitants de Beaumont, Saint Mélany et ceux des hameaux de Dompnac  : Pourcharesse, Nouzaret, Champ Blanc, situés du même coté de la rivière Sueille que Saint Mélany,  eux, traversaient la Drobie au niveau du pont de la Brousse. Les chemins se raccordaient dans la montée pour arriver en crête à la Croix-de-Fer, où se trouvait une « abitarelle », une auberge relais muletier, maintenant gros tas de ruines.
Cette auberge fut au cœur de la contre-révolution. Voir les écrits de l’historien Charles Jolivet sur la révolution en Ardèche, et particulièrement les chouans du Vivarais.
Il est à noter que l’actuelle voie qui permet aux véhicules la remontée de la vallée de la Drobie depuis Joyeuse n’existait pas alors, pas même à l’état de sente. Le cadastre dit napoléonien de 1842 en atteste.
En 1831 la commune de Sablières comptait 1585 habitants, Saint Mélany 790, Dompnac 582. Ce fut dans ces décennies-là que la vallée atteint son apogée de population.


À 30 m en amont du pont du rouge, sur la rive gauche se trouvent creusées dans le rocher ce que la mémoire populaire nomme  « les marmites des fées », des excavations circulaires de 80 cm de diamètre environ. Elles sont au nombre de quatre et la position des axes de ces marmites dessine un rectangle de trois mètres de côté en parallèle à la rivière, et de quatre mètres dans l’autre sens.

Madame Lafée, celle du Ron des Fades, me fait discrètement savoir que sa corporation n’a aucune responsabilité quant au creusement, ou l’utilisation de ces récipients, et me fait signe d’aller jeter un coup d’œil sur l’autre rive.
Exactement dans le prolongement, en bord de rivière, mais comblée par les apports de sable et graviers des crues de la Drobie, deux excavations de même diamètre font face à la rivière. À cet endroit-là, la rivière coule entre des berges rocheuses formant falaise, distantes entre elles de quatre à cinq mètres environ, un endroit idéal pour la franchir. Ces six excavations sont les restes, en creux, d’une structure antérieure à la construction du Pont du Rouge et permettant de franchir la Drobie.
Je questionnerais bien Madame Lafée sur les époques de construction des ouvrages ; c’est inutile, elle n’a pas notion du temps et vit dans un éternel présent.
En cet automne 2014, nous vivons une succession d’épisodes cévenols qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la mousson. Le climat se modifierait-il ?
Un de ces épisodes vient d’emporter une passerelle en dur construite par la municipalité de Sablières en amont du Pont du Rouge sous le hameau de la Croix des Bancs. Ce lieu, comme de nombreux autres lieux ayant semblable fonction dans le pays, se nomme la planche. Il se réfère à une technique tombée en désuétude mais longtemps employée pour franchir ces cours d’eau capricieux. La planche, petite passerelle, avait, accrochée à elle, une chaîne fermement ancrée à une rive afin d’éviter que, dans leur régulière fureur, les eaux ne la dérobent. Lors de la crue, la planche était évincée de sa position, mais, grâce à l‘accroche, elle se trouvait retenue, déposée par le courant sur la rive. Les eaux devenues plus raisonnables, on la repositionnait, et elle reprenait sa fonction jusqu’à la prochaine crue. À cet endroit, sous le bloc en béton de la récente passerelle emportée, l’on peut voir quelques maillons de la chaîne rappeler sa présence.
Coincé sur une portion de route, il m’a été donné d’assister, aux premières loges, de ma voiture, à la crue du 22 septembre 1992. Au pont des Malines, juste après les Deux Aigues embranchement de la Drobie avec la Beaume se trouve en contrebas de la route un manége de chevaux. Ce jour-là charriés par les eaux, des ballots de paille provenant du manège avaient envahi et traversé la route. Mais ce n’est rien, jour pour jour, 102 ans auparavant, ce fut la crue qui a marqué le pays, au point que des habitants de Dompnac, racontent encore que l’on pouvait descendre à Joyeuse par la rivière, le passage ayant été nivelé. La crue de 1890 a emporté le pont des Malines, celui de Sarrabasche sur la Beaume, et sur la Sueille celui de Dompnac…De très nombreux moulins situés trop près des eaux, dont celui du Ron des Fades, au lieu dit la planche, hameau de Pourcharesse Dompnac. Les ponts de la Brousse et du Rouge ce sont eux bien comportés.
Je vous ai parlé du lieu dit la Croix des Bancs, ce vocable est impropre, il s’agit de la Croix des Vents : si vous doutez, rendez vous en ce lieu un jour où ça « bouffe », et vous constaterez, à la croisée des chemins, qu’il fait un temps à décorner les boucs.
Pendant que nous sommes dans ce secteur des ponts, sur la gauche du chemin montant vers la Croix-de-Fer, peu après le passage du pont de la Brousse, se situe une majestueuse cascade « le saut de la dame » qui, après une pluie importante, se découvre dans toute sa splendeur d’en face, de Saint Mélany village. Explication: un drame a eu lieu. Dans un passage particulièrement abrupt du chemin situé bien plus haut dénommé le « Ranc de l’Ase », la falaise de l’âne, un mulet a plongé dans le vide emportant avec lui sa passagère. La cascade est nommée par les anciens de Saint Mélany du nom moins poétique, mais plus explicite, de saut du rail, celui de la dame est plus haut.
Remarque : ces mulets, ces «  muoux » ont une fâcheuse tendance à chuter dans le vide ; nous avons un cas semblable sur le chemin pédestre qui va de Pourcharesse à Dompnac, portion maintenant du sentier des lauzes, au lieu dit les Roncass, un passage creusé dans la falaise : la mule a chuté dans le précipice, mais ici seule.
Ces « muoux » que l’on qualifie du terme générique d’Ase sont des ânes avec une force de cheval.
Petit jeu comment s’appelle le produit de l’accouplement de la mule et du mulet ? La réponse explique peut-être leur propension à faire le mauvais pas : sans avenir, ces Ases sont condamnés à n’être que bêtes de somme.


Autre devinette, quelle est la teinte du Pont du Rouge, vin ou sang ?