Le rocher des fées |
Si le nom de lieu sert à localiser et
orienter les usagers d’un territoire, il est aussi le fruit de son
histoire politique, sociale, de sa géographie et géologie. Il est
porteur de sens.
Cette vallée de la Drobie (soit les
communes de Sablières, Dompnac, Saint Mélany, et la partie de Saint
André Lachamp et Beaumont versant Drobie) fut jadis peuplée de
plus de 4000 habitants ; elle fourmille de noms de lieux, donc
de sens.
Mais difficulté, ces noms de lieux
sont signifiés en langue du pays, langue essentiellement parlée, ce
qui a conduit à des écritures différentes. Il faut donc la penser
à travers sa phonétique. Exemple : on voit ici écrit
aulagnier, là olagnier en français noisetier . Ici habitarelle là
abitarelle auberge, relais d’étape .
Autre difficulté la transcription de
ces lieux a parfois été le fait de gens de langue française ne
comprenant pas le sens de ce qu’ils transcrivaient et qui
naturellement y imaginaient le leur.
Un exemple sur le vieux cadastre de
Dompnac on peut voir le lieu dit l’abitarelle devenir l’abée
tarelle . cette idiotie trop grossière n’a pas fait souche
contrairement à d’autres, mais nous y viendrons plus tard.
Les gens pratiquant la langue du pays
se raréfiant, de nombreux noms de lieux tombent dans l’oubli, le
néant, et quand ils existent encore c’est pour beaucoup le
non-sens, le contresens.
Les utilisateurs du pays perdent une
grosse part de l’héritage culturel du lieu ; le pays nous
parle en sa langue, mais il nous devient inaudible.
Au début des années 1970 quand je fis
le retour aux sources de mon pays cévenol, avec 2 à 3 vieux garçons
du quartier que j’embarquais dans ma 2 CV camionnette, nous allions
dans la saison des veillées dans des fermes du pays. Il y avait dans
ces maisons encore les grands parents, le papé, la mémé. Ce
sont des personnes qui auraient aujourd’hui 120 ans et plus. Cette
génération ne s’exprimait que dans sa langue, elle ne parlait ni
ne comprenait le français.
L’habitante du Ron des fades (rocher
des fées) me dit : « Pierre ou plutôt Pierou, car elle
ne parle qu’en langue du pays, : de même que tu as créé une
méthode pour diffuser la technique traditionnelle de construction
des toits en couverture de lauze de notre vallée, il te faut
maintenant t’atteler à la tâche de recharger en sens cette
vallée. »
- Madame Lafée vous me confiez une lourde tâche.
- Pierou il ne s’agit que d’un secteur limité, que de cette vallée et de son environnement, et d’ailleurs je te procurerais une importante aide.
Mais de quelle métaphore Madame La fée
est-elle le nom ?
Quelle est donc la langue de ce pays
que l’on qualifie du terme de patois.
C’est la variation locale de
l’occitan-catalan qui aléas de l’histoire a eu meilleure
fortune de l’autre côté des Pyrénées. Les barons francs qui se
sont appropriés ces territoires lors de la croisade contre
l’Occitanie on réussit avec le temps à y imposer la langue
française ; et la république centralisatrice avec ses instituteurs
formés aux méthodes au Jules Ferry a failli l’éradiquer .
Les habitants de ce pays se rappellent
les coups de règle sur le bout des doigts et les 100 lignes :
je ne parlerais plus le patois à l’école, chaque fois qu’un mot
en leur langue leur sortait de la bouche.
Cette langue est le trait d’union
entre les trois langues qui entourent son territoire culturel :
l’Italien, l’Espagnol, et le français.
Madame La fée me fournie ces
exemples :
Français Italien Occitan
Catalan Espagnol
Église chiesa gleiza església iglési
Lundi
lunedi diluns dilluns lunes
janvier gennaio genier gener enero
janvier gennaio genier gener enero
Et d’ailleurs ma caste celle des fées
est un bon exemple.
Fées fata fades, fados fades hada
La
démarche que je propose est la même, inversée. Dans nos bourgs, les
noms des rues , inscrits en français sur les plaques, portent une
traduction en occitan ;
ici ce sont les noms de lieux qui sont en langue occitane, il s’agit
de les traduire en français.
Avec quelques douzaines de noms très
courants et leur sens en français, nous allons faire un premier et
grand pas.
Elze en français yeuse ou chêne vert
avec ses variations elziére = yeuserais, elzet
Avec ce seul mot, vous avez le sens de
nombreux noms de lieux, de hameaux et communes du secteur.
Les blaches, les chênes blancs
variation la blachère, la chêneais.
Aulagnier olagnier = noisetier.
Nojaret, nouzaret = noyerais.
Verne= aulne vernade, vernède =
aulnais vernet
Le fraysse = le frêne freyssenet.
Falabrège, chalabrègue =
micoucoulier.
Fayard = hêtre la fage = le bois de
hêtre.
Sapet =sapin sapède = sapinière.
Bruges = bruyère brugères champs de
bruyère.
Geneste = genêt genestet.
Prat = pré pradel = prairie.
Cros, creux = pâturage.
Blat = blé.
Selgues = seigle. Montselgues = mont du seigle
Coulet = col
Pas = passage.
Crotte = voûte, souvent le bassin
d’eau voûté.
Lech = rocher plat.
Ron = rocher pic.
Ranc = rocher falaise. Rancass,
Cham, chams = plateau.montagne
arrondie. La cham de merle, saint André Lachamp, la cham du crau
Planet = replat.
Serre, serra = chaîne montagneuse.
Combe = vallée escarpée.
Val = vallée. Vallat =petite vallée.
Riou = ruisseau.
Gua = gué
Ribes = rives. Ribes la bien
nommée qui est bordée par la drobie, la beaume, l’alune.
Chambon = la bonne courbe (du cours
d’eau, donc la terre alluvionnaire).
Gour = trou d’eau.
Font = source
Téron, théron = source aménagée.
Peyre = pierre.
Clapat = étendu de pierre.
Lauze = pierre plate. Lauziére, lozère
le lieu des pierres plates, des lauzes.
Bar = pierre plate plus épaisse dont
on se sert pour les premières rangées des toit en lauzes, pour les
dallages, pour chapeauter les murets des bords de chemins.
Bary, bari = rempart.
Cayres caire = bloc de rochers au
formes cubiques (excellente pierre pour bâtir) on appelle ici les
moellons : les cairons.
Téoule, théoule = tuile ;
téoulière = tuilerie.
Auri , ori = or ,( on y
reviendra).
Adré, adret = coté exposé au midi
Solier, soulier = endroit ensoleillé.
Abitarelle, habitarelle = auberge,
relais d’étape.
Baraque, même sens que précédemment
mais avec une étoile de moins.
Vilar ,villaret = maison
Chabanne = cabane.
Clède = séchoir à châtaignes.
Clède = séchoir à châtaignes.
Coder, couderc = pacage clôt par un
mur en pierre.
Farge = forge.
Esclot = sabot.
Pastré = berger.
Ase = âne